Le laissez passer A Trenteuh Huiteuh

Publié le par Kwet

Ce n’est pas sans une certaine nostalgie que j’ai accueilli l’idée de devoir retourner dans ma fac de banlieue, 5 ans après l’obtention de mon diplôme, pour faire signer un papier me permettant de m’inscrire autre part…

 

Je repars donc de chez ma mère, retour en arrière oblige, et me rappelle les heures passées à attendre sur ces quais le RER providentiel. Il me semble que se faufilent jusqu’à mes oreilles des mélodies répétées inlassablement dans mon mp3 à l’époque, comme si elles étaient restées là à m’attendre, imprégnées dans le béton sale.

Le paysage urbain défoncé qui défile derrière les fenêtres du train n’a pas changé, ou si peu que je me croirais presque dans un sorte de Deloreane du pauvre, transport en commun temporel, vous avez demandé 5 années avant, en voiture.

 

À la sortie de la gare, là par contre tout à changé. À grand coups de travaux la gare a été refaçonnée, simili-modernisée, de grandes tracées roses et vertes la traverse, essayant de cacher la grisaille crasseuse  qui émanait des murs et qui arrive cependant à se glisser encore par-ci par-là. C’est qu’on peut se débarrasser du petit marchand de légumes pour le remplacer par un marchand de journaux, mais la misère et le béton gris, ça résiste mieux…

Malgré les changements et les bâtiments qui ont poussé au milieu des anciens parkings, mes pieds me guident tous seuls jusqu’au bâtiment principal. En chemin j’ai l’impression que les images et les souvenirs me sautent à la gorge à chaque banc, à chaque croisement, à chaque passage piéton, que dis-je, à chaque carreau du sol une anecdote me vient, joyeuse ou pas, fondatrice ou extrêmement futile.

Je retrouve ces lourdes portes que je connaît par cœur, j’ai l’impression que je ne suis jamais partie, elle était pas déjà condamnée cette porte là à l’époque ? Toujours pas réparée ? J’hésite un instant à passer dans les locaux des assos que je fréquentais, et puis me ravise, il n’y a certainement encore personne en cette semaine de pré-rentrée, et puis surtout, personne que je ne connaitrais, et ça me filerais un coup de vieux un peu trop pénible à assumer pour le coup. Mes pieds continuent de me guider, les souvenirs d’affluer, en chemin je me rend même compte que j’aurais mieux fait de passer par l’autre escalier, ça aurait été plus direct, je connais encore les couloirs par cœur, ça me fait sourire. C’est qu’il fallait les connaître pour pouvoir afficher de façon efficace !

 

Ah tiens, les distributeurs ne sont plus tout pourris, je suis jalouse.

 

Ah tiens, le bureau qu’on m’a indiqué au téléphone était une salle de classe, j’ai eu des cours d’ethno scénologie dans cette pièce.

 

Ah tiens, je sens mon aura nostalgique disparaître tandis qu’on me fait attendre sans même un bonjour, avec juste un regard agacé et impératif.

 

Et là, commencent mes 12 travaux. Enfin un seul. La Maison de fous.

 

Je ne demande à la base qu’un coup de tampon disant que j’étais là il y a 5 ans, et basta.

 

Premier bâtiment, premier bureau, premier interlocuteur :

 

 Bonjour, je viens faire signer ce papier pour un transfert, au téléphone ce matin on m’a dit de venir vous voir, j’ai passé ma licence ici il y a 5 ans… 

 

« Mmmhmm… Quel niveau ? »

 

 Il y a 5 ans j’ai eu ma licence et là je cherche à rentrer en master 1…

 

« Lequel master ? »

 

Bah euh… Vous l’avez noté sur le papier mais ça a une importance ?

 

« Mais on a pas ça chez nous ! »

 

Bah non je demande le transfert là où il est…

 

« Aaah mais vous demandez le transfert dans une autre université ? »

 

Euh bah oui…

 

« Mais de toutes façons c’est pas moi qui m’occupe de ça, il faut passer à la scolarité générale. »

 

Elle me rend mon papier qu’elle ne faisait que regarder sans lire sinon elle n’aurait certainement pas posé les questions précédentes, et considère l’affaire close.

 

Je suis de nouveau mes pieds jusqu’au bâtiment administratif, je suis encore de bonne humeur, si je n’avais pas de souvenirs si clairs je n’aurais pas su retourner de façon aussi directe à la scolarité générale !

 

Deuxième bâtiment, deuxième bureau, deuxième interlocuteur :

 

Bonjour, je viens pour faire tamponner ce papier pour un transfert.

 

« Mmmmhmmm (ça semble être le bonjour du coin)(j’avais oublié ça par contre mais bon) oui, tout à fait. Quand avez vous eu votre diplôme ? »

 

Il y a 5ans.

 

« Et vous l’avez validé ? Vous suivez encore des cours ici ? »

 

Euh oui j’ai eu mon diplôme, et non je n’ai plus cours ici, ça fait 5 ans quand même…

 

« De toutes façons il faut que vous obteniez un quitus de la BU. »

 

Que… quoi ?? 5 ans après ? Alors qu’à l’époque déjà j’y mettais pas les pieds ?

 

« Ah mais vous savez même 10 ans après il y a des gens qui ne rendent pas leurs livres ! »

 

Wooké… Je reviens alors…

 

« Oui ! » Notez ce oui. Notez cette minuscule et perfide oui.

 

Ma très chère fac de banlieue est vaste. Elle se divise en divers bâtiments éparpillés dans la ville. Heureusement le bâtiment de la BU et les deux précédents sont les uns à côtés des autres.

 

Troisième bâtiment, troisième bureau, troisième interlocuteur :

 

Bonjour, je viens chercher un quitus pour valider une demande de transfert !

 

« Bonjour. (Ah quand même) Vous avez quitté l’université quand ? Votre nom ? »

 

Julie, c’était il y a 5 ans.

 

« *cherche cherche dans son ordi* En fait c’est trop vieux (et bim) on a plus les dossiers de cette époque, il faut que je passe un coup de fil »

 

Faites faites.

 

Je note qu’il explique qu’il doit faire un quitus pour un ancien dossier, ne donne pas mon nom et demande à son interlocuteur s’il peut avoir accès à ces dossiers. Après un temps de silence il dit Ok, raccroche, et me fait un quitus, comme ça, l’air de rien.

Ça valait bien le coup de se prendre la tête dites moi, s’il suffit de ça pour l’avoir tiens.

Me voilà donc de retour en scolarité générale.

 

Deuxième bâtiment, deuxième bureau, quatrième interlocuteur :

 

 Bonjour, papier transfert, voilà le quitus  (comme vous avez compris a situation, je ne répète pas tous les mots entre hein)

 

« Oui, très bien, mais ce n’est pas ici, le bureau pour les transferts est aux inscriptions, à l’entrée, c’est au bout de ce couloir mais vous ne pouvez pas passer par là, il faut ressortir et rentrer par l’autre côté »

 

Wooooookééééééé Merci j’y vais…

 

Je ressors donc et re-rentre, grommelant quelque chose à propos d’un laisser-passer A38, de gaulois et de sangliers fous.

 

asterix

Deuxième bâtiment, quatrième bureau, cinquième interlocuteur :

 

 Bonjour, transfert, papier, tampon sivouplé sivouplé sivouplé !

 

« Oui oui, voilà, je fais juste une copie et je vous le rend. »

 

 

Ah mais ouiiiiiii ! Merciiiii !

 

Alors voilà. Après ça je suis repartie vite vite, j’ai mis presque 1h à obtenir un tampon sur une feuille, et j’ai fuis lâchement ce lieu de perdition administrative.

 

Quand je pense que j’étais nostalgique.

 

 

 

Publié dans Ma vie mon cul

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