Purgatoire.

Publié le par Kwet

Dans la rue où je travaille il y a le monde.

Le pire comme le meilleur.

Toutes les langues parlées, et certaines langues mortes.

 

Je ne pense pas que les parisiens se baladent vraiment ici. Ou alors ils ont leurs spots secrets, leurs alcôves dans l'enfer touristique.

On y croise tout le monde. La misère la plus crasse et la bourgeoisie en vison.

 

La future mariée, heureuse de fêter son futur dévouement absolu et éternel pour au moins 3 ans avant le divorce envers un homme qu'elle appelle son bébé. Elle fête ça en tenue de lapine sexy par 10°C, entourée de ses copines qui lui ont concocté les plus drôles humiliations qu'elles ont trouvé. C'est tellement drôle de demander à ce SDF de lui chanter une chanson pour une pièce. Ou de la forcer à se laisser tripoter par le tenancier pervers de la gargotte d'en face, le temps d'une photo.

Son homme a certainement dû passer la semaine d'avant, déguisé en bite, avec pour défi d'embrasser dix filles dans la rue.

Leurs soirées se terminent certainement toutes dans ce bar, celui avec les néons roses de porno des années 80, avec les serveurs-stripteasers bien épilés et huilés qui ondulent sous les mains et les regards de personnes lançant des petits cris aigus. Ce bar accueille toute cette partie du monde capable de se payer une bouteille de champ et une danse privée mais pas de laisser passer la serveuse en fin de service sans avoir exigé son numéro ou un bisou. 

Il y a les touristes, sortes d'humains/dieux, qui ayant reconnu cet endroit comme leur étant dédié, ne tolèrent pas que leur moindre caprice ne soit exaucé.

Il y a les cloches. La famille devant la librairie une fois la nuit tombée. Il y a celui qui fait des tours avec des allumettes et celle qui vend des boucles d'oreilles. Il y a celui qui, inlassablement, traite tous ceux sur son passage de connasse, enculé, pute, tafiole, et j'en passe.

Il y a les restaurants, qui ont presque tous une hygiène douteuse et une cuisine basée sur des surgelés.

Quand je ne travaillais pas là je ne venais jamais. Je ne supportais pas la foule, l'indécence, et le reste. Je suis donc directement passée de l'autre côté. Et j'ai pu découvrir d'autres choses.

 

La tranquillité et le silence le matin. Les lumières trop criardes mais qui font vivre les immeubles la nuit. La Seine, lorsqu'il fait nuit ou au coucher du soleil, ses quais, ses débordements. 

 

Ici c'est un village. Tout le monde se connait, s'entraide, se raconte des potins, se fait des réductions, s'offre des trucs. On ferme les yeux sur le petit côté "mafia qui blanchit de l'argent d'on ne sait quoi dans les 3/4 des restos de la rue".

Il y a ce tout petit bar, où il n'y a presque personne, parce que trop discret, mais où la musique est chouette et le barman sympa. Ce resto de couscous, qui te fait des portions folles. La responsable de cette petite boutique, qui même si elle en bave avec ses patrons fous, arrive à garder une ambiance chouette, à reconnaitre ses clients, à savoir ce qu'ils aiment.

 

Je ne dis pas que cette rue est belle, ou que je l'aime. Je ne dis pas que la hais, et que sa laideur est insupportable. 

 

Je dis tout ça à la fois. 

 

Je ne sais pas par quel chemin tordu cette rue et ce quartier sont devenus une sorte de second foyer, mais voilà.

 

Je crois que c'est ça.

 

Il y a le monde dans cette rue. Et j'en fais partie, du meilleur comme du pire.

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
H
c'est joli ce texte :)
Répondre
K
<br /> <br /> Oh merci beaucoup !<br /> <br /> <br /> <br />