Interlude

Publié le par Kwet

 

Peut-être qu'elle allait juste faire ses courses, peut-être qu'elle allait faire la fête.

 

Elles se croisent, comme des centaines de personnes se croisent ce jour là.

 

"Excusez-moi." Qu'elle dit. "Excusez-moi, mais je crois que vous êtes ma mère." Qu'elle dit.

 

Elles se croisent et elle a bien eu le temps de voir, de comparer. Taille, poid, couleur des cheveux, couleur des yeux, cette façon de bouger la main le long de son corps quand elle marche, elle a eu le temps de tout noter, mais l'autre en face, elle n'a rien vu, elle n'a rien respiré.

Alors qu'elle s'attendait à reconnaitre son parfum à 100 mètres, l'autre n'y aura même pas pensé.

 

"Excusez moi." Qu'elle dit.

 

Elles se croisent, ça y est, et même à 5 cm, elle n'a rien vu. Alors il faut se retourner. Il faut prendre la décision en une seconde, parce que la seconde d'après, elle sera passée, et puis elle aura peut-être plus le courage, alors elle se retourne et elle appelle.

 

"Excusez-moi" Qu'elle dit. "Excusez-moi, mais je crois que vous êtes ma mère." Qu'elle dit.

 

"Reconnais moi bordel, t'es partie il y a des années mais reconnais moi merde, reconnais ta fille s'il te plait." Qu'elle pense peut-être. Ce qu'elle pensait à ce moment là, elle ne le dit pas. Alors moi je le dis. Peut-être.

 

Un moment. Des yeux qui s'ouvrent, la main le long du corps s'arrête, la bouche s'ouvre à son tour.

 

"C'est toi?" Bah oui c'est elle. Elles ont l'air heureuses de se retrouver, peut-être un peu gênées?

 

Il n'empêche qu'elle aurait pu ne pas le dire. Attendre qu'en face, elle réagisse à son tour. Attendre pour voir. La suivre, pourquoi pas. Vérifier si elle était vraiment heureuse avec sa nouvelle vie. Si ça valait le coup, de l'avoir laissée sans mère tout ce temps, si au moins pour elle-même, elle avait fait le bon choix. Tiens la prochaine fois qu'elle partira, elle tentera ça.

 

Je suis injuste? Je suis cruelle peut-être? Elle a peut-être pas tant souffert, ou c'était mieux comme ça pour tout le monde, ou... bla bla bla.

Quand on croise sa mère dans la rue, quand on est obligée de l'appeler parce que même si à peine elle avait passé le coin de la rue que toutes les fibres de notre corps se sont figées, son corps à elle n'a rien senti en face, et aurait très bien pu continuer son chemin sans rien voir, quand on est obligée de faire ça, je pense qu'on a le droit d'être injuste. Et cruelle. Et même plus.

Mais elle ne l'a jamais été.

 

Alors moi je le fais.

 

Parce que le frisson qui traverse l'échine, parce que le souffle froid qui te remplit le ventre rien que d'y penser.

Parce que les nuits où tu n'arrive pas à te raisonner, parce que tout ces moments ou tu pleures toute seule bruyamment et sans t'arrêter.

Parce que la tendresse quand tu parles, parce que la tendresse malgré toi.

Parce que on a hurlé pour moi, alors je peux le faire pour toi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ce petit bout de texte c'est un projet en cours d'écriture, ça m'arrivera de temps en temps de les poster ici, alors prenez les comme ils viennent, vous prenez pas la tête et cherchez pas plus loin... :)

Publié dans De ma littérature

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M
<br /> Très beau! continue....<br /> <br /> <br />
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