Interlude (2)

Toi.

Oui toi là.

Pas la peine de me regarder avec tes petits yeux meurtris hein.

Qu'est ce que tu fais encore là?

T'as pas fini de venir squatter tout le temps oui?

Je te l'ai déjà dit, c'est fini tout ça, j'ai plus l'âge pour jouer avec toi, et j'ai pas encore l'âge d'être nostalgique de mes artères qui fonctionnent. Mais t'as comme qui dirait du mal à comprendre hein.

Tu vas encore continuer longtemps comme ça? à colorer tout ce que je dis, tout ce que je fais, tout ce que je pense, tout ce qui se joue là.

Tu vas continuer à me bouffer de dedans comme ça? à peindre tout ce qui est passé en rose bonbon ou en gris anthracite, de sorte que tout ce qui se passe en direct ait l'air plus fade.

Tellement que le présent me parait parfois moins réel que ces images que tu m'imposes, que tu me présentes déformées, amplifiées.

Quoi? Tu croyais que je ne l'avais pas vu venir le coup du flou artistique mémoriel? Tu pensais que j'allais tomber dans le panneau encore longtemps? Je te l'ai déjà dit. J'ai passé l'âge.

Ah mais tu m'emmerdes à la fin! Je dois faire quoi pour que tu me lâches? Pour que tu les lâches?

On est pas là pour jouer mademoiselle, on a des affaires sérieuses nous ici, on est des adultes, et...

Quoi mes peluches? Quoi les chats sur ma robe? Bah justement tiens parlons en! Je t'ai pas fait assez de concessions jusque là? Il faudrait que j'en rajoute, que j'insiste? Le trait n'est pas assez gros? Je fais pas assez gamine là?

ça y est, le mot est lâché, t'es contente?

Ah bah oui tiens, je l'ai vu ton petit sourire en coin, ça y est, ça te fais plaisir de me voir comme ça hein...

Tu me fatigues.

T'es toujours là.

Je peux pas faire un pas sans toi.

Même quand je lâche tout tu restes là. Le dernier rempart contre l'oubli. La dernière défense contre... contre quoi dis moi?  Tu sers vraiment à rien en fait.

Non?

Toujours pas?

T'y tiens tant à ton petit coin de crasse?

Merde.

MERDE.